Emily Temple-Wood at Wikimania 2014
Photo by Victor Grigas/Wikimedia Foundation, CC BY-SA 3.0.

Lorsqu’Emily Temple-Wood avait cinq ans, elle a lu un volume d’une encyclopédie pour enfants du début à la fin. « Geek » revendiquée, elle s’est plongée dans l’univers de Wikipédia à l’âge de douze ans. L’adolescente harcelée à l’école se sent bien sur le site. « J’adore recueillir des informations et pouvoir les partager avec le reste du monde », dit-elle.

Au fil des années, Temple-Wood enrichit ou crée des pages Wikipédia touchant à un grand nombre de sujets, des maladies génétiques aux langues menacées. Parmi ses premiers gros projets sur la Wikipédia anglophone, on trouve l’article sur le canon et celui sur l’histoire de la mesure du temps, qui ont tous deux reçu le label « articles de qualité » pour leur forme et leur fond. Son article sur le syndrome de Birt-Hogg-Dubé a été son premier bon article dans le domaine de la médecine.

Le travail de Temple-Wood a marqué Wikipédia de son empreinte : elle y a créé près de 400 articles et en a amélioré des centaines d’autres, comme un article de qualité sur Barbara McClintock, lauréate du prix Nobel en 1983 pour avoir découvert la transposition génétique. L’impact de Temple-Wood est tel qu’elle a été nommée wikipédienne de l’année 2016 aux côtés de Rosie Stephenson-Goodknight.

Un projet autour des femmes de science

Quand Temple-Wood commence à écrire des articles, elle découvre le déséquilibre sensible dans le traitement des hommes et des femmes de science sur Wikipédia. En 2012, pendant ses études à l’université, elle fonde le WikiProject Women Scientists. Ce projet a pour objectif d’améliorer les biographies de femmes scientifiques et d’augmenter leur nombre.

L’idée, qu’elle met aussitôt à exécution, lui est venue tard dans la nuit. Elle découvre que très peu de femmes membres de la prestigieuse Royal Society – « une sorte de Who’s Who du monde scientifique », explique-t-elle – possèdent leurs propres articles. L’étudiante met sa frustration à profit et s’installe dans le couloir de son dortoir pour y rédiger son premier article sur une femme de science jusqu’à 2 heures du matin.

Régler le biais de genre de Wikipédia

Quelques années plus tard, Temple-Wood, alors étudiante en médecine, se donne une autre mission pour corriger les déséquilibres de Wikipédia. Sa notoriété grandissant au sein de la communauté des contributeurs, elle devient la cible de trolls sexistes. Elle entame alors une nouvelle entreprise : pour chaque courriel de harcèlement qu’elle reçoit, elle crée un article Wikipédia sur une femme de science.

Le retentissement de son projet est extraordinaire. BBC News, Buzzfeed, The Guardian, The Washington Post, Nautilus, Huffington Post, Jezebel, Backchannel et de nombreux autres médias parlent de son travail. Temple-Wood ne s’y attendait pas du tout.

« Écrire sur les femmes de science me semblait une activité particulièrement minoritaire, qui n’intéressait personne, explique-t-elle. Tout d’un coup, je me suis retrouvée à faire plein de choses à la fois : répondre aux appels des journalistes entre deux cours, le labo, l’internat, et essayer de tout faire avant la rentrée en 5e année. »

Temple-Wood n’omet jamais de citer ses camarades et les projets qui corrigent le déséquilibre femmes-hommes sur la Wikipédia anglophone. Son amie et colauréate Rosie Stephenson-Goodknight l’a aidée à fonder Women in Red (« femmes en rouge »). Un lien rouge sur Wikipédia signifie en effet que la page liée n’existe pas. Women in Red cherche à créer des articles sur des figures féminines en rendant ces liens bleus. Depuis, plus de 37 000 pages consacrées à des femmes ont été créées sur la Wikipédia anglophone.

« Un groupe de personnes qui accomplissent de petits gestes peuvent, peu à peu, faire toute la différence, explique Temple-Wood. On a lancé le mouvement en 2013 et le pourcentage de biographies de femmes est passé de 14 à 17 %, ce qui est un exploit. »

Concernant le harcèlement en ligne, la jeune contributrice estime qu’on ne peut pas vaincre les trolls. Elle préfère consacrer son énergie à autre chose.

« Vous pouvez faire en sorte qu’ils n’aient pas raison de vous ; dans mon cas, cela passe par écrire sur les femmes de science », dit-elle. Quand on l’interroge sur la persistance du sexisme dans notre société, elle pointe du doigt ceux qui lui ont demandé si elle avait couché pour réussir ses études de médecine ou pour être nommée wikipédienne de l’année.

« Mais c’est moi qui change les choses, affirme-t-elle, c’est moi qui laisse une trace. Moi et tous les participants à ces projets mettons au jour ces femmes fascinantes et merveilleuses. »

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